mercredi 23 mai 2012

La traversée du couloir

Voici un témoignage que nous avons reçu récemment et que nous avons décidé de partager avec vous.

Bonne lecture !


La traversée du couloir


Voici un peu plus de quinze ans que je regarde le JT de la RTBF, avec un niveau de satisfaction finalement assez faible. Mes attentes sont pourtant simples : une information claire, complète, détaillée, précise et ne traînant pas en longueur. A la place, je trouve des informations approximatives (usage habituel du conditionnel), qui ne répondent pas aux questions proposées dans les titres (effet d'annonce ?), qui n'en sont pas vraiment (le traitement de l'information consiste presque exclusivement en un micro-trottoir), répétitives voire redondantes (trois reportages d'affilée sur le même sujet), qui sombrent dans le sensationnalisme, et pour lesquelles le journaliste termine souvent le sujet par un jeu de mots poussif. Sans parler du placement pour les émissions produites par la RTBF.

Et je ne parle pas des sous-titres : fautes d'orthographe, inversions, arrivées précoces ou tardives (le présentateur excusera éventuellement la mauvaise qualité du son ou de l'image mais jamais celle des sous-titres). Déjà en février 2005, j'avais interpellé Yves Thiran, alors Directeur de l'information et de l'éthique, à propos de ce point; il m'avait répondu : "Nous avons régulièrement des sous-titres, disons, créatifs. La solution passe par une automatisation plus poussée des procédures. C'est en route". Sept ans plus tard, je n'ai toujours pas constaté d'amélioration notable, malheureusement.

Pour me consoler de ces déceptions, j'ai bien commis quelques infidélités en regardant le JT de RTL-TVI, mais ça ne durait jamais très longtemps. Non pas que l'information y soit moins bonne, mais simplement parce que tout y est présenté, à mon sens, de manière volontairement accrocheuse, pour ne pas dire racoleuse. Et tous les éléments d'un marketing minutieusement préparé sont présents : titres, infographie, vocabulaire, etc. Et ça a l'air de lui réussir pas trop mal puisque le JT de RTL-TVI devance régulièrement celui de la RTBF dans les taux d'audience.

D'ailleurs, à plusieurs reprises, la RTBF a opéré des changements afin d'essayer d'inverser ce phénomène. Certains étaient purement cosmétiques (la décoration du studio ou la couleur des sous-titres), d'autres modifiaient parfois la manière de présenter l'information (le journaliste responsable du sujet n'est plus assis à la même table que le présentateur, mais debout avec une infographie en fond d'écran) ou encore copiaient ce qui se faisait sur RTL-TVI (l'angle de la caméra changeait à chaque nouveau sujet) ou sur France 2 (présentation des sujets suivants à la mi-édition).

Après quelques semaines, déçu et un peu écœuré, je revenais au JT du service public, faute de mieux, et à mes insatisfactions initiales.

Et puis, il y a quelques mois, j'ai commencé à regarder le JT de la VRT de 19h00, avant de passer à celui de la RTBF à 19h30. Ainsi, j'avais vu le principal de l'actualité belge et internationale sur la VRT, et je complétais ce qui était typiquement wallon avec la RTBF. Mais au-delà du fond, difficile de ne pas comparer la forme. Et quelle différence ! Oui, la langue, bien sûr, mais tous les journalistes de la VRT en studio ont une prononciation impeccable (ce qui est loin d'être le cas de François De Brigode) et pas trop rapide. Ceux qui sont sur le terrain également, même si les rares correspondants d'origine néerlandaise sont parfois plus difficiles à décrypter.  Moins de formalisme (la tenue est cool, la cravate n'est pas obligatoire, on peut avoir le look "Paul Magnette", les journalistes se tutoient), les reportages sont bien ficelés et les informations sont telles que je l'espérais. Même dans des cas "extrêmes" (l'hommage aux enfants décédés dans l'accident de bus à Sierre, par exemple), la présentation était d'une dignité sans égale.

Devant cette évidence, il ne m'a pas fallu longtemps pour couper le cordon avec le JT de la RTBF; depuis plusieurs mois, je ne regarde plus que le JT de la VRT, à ma plus grande satisfaction.
Votre néerlandais souffre de quelques lacunes ? Pas de problème : tout le JT est sous-titré via la page 888 du télétexte. Vous maîtrisez plusieurs langues étrangères ? Vous serez comblé : tous les acteurs de l'actualité passent en VO, avec des sous-titres en néerlandais.

Et après le JT, que regardent tous les Belges ? La météo, bien sûr ! Et la version de la VRT est drôlement bien faite, avec des cartes détaillées à l'appui, où on se garde bien de vous fournir des informations inutiles ("nous fêterons demain les Cunégonde"), où on ne vous communique pas l'horaire des marées, contrairement à la météo de la RTBF (ça doit certainement intéresser les pêcheurs de crevettes wallons, allez comprendre) et où, à la fin, vous aurez droit à un "dag" sympa du présentateur ou de la présentatrice, plutôt qu'un systématique et artificiel "et surtout, prenez bien soin de vous".

Cette immersion est d'ailleurs très instructive, à plusieurs points de vue. Ainsi, ce boulanger flamand qui ne trouve pas d'ouvrier parce que les horaires sont difficiles. On est parfois bien loin de la caricature du flamand courageux qui, comme des millions d'autres, se lève tôt pour aller travailler. Ou encore cette affaire où la justice flamande enquête sur les relations entre le Parquet d'Anvers et une fraude présumée de diamants.
Ces sujets sont traités très ouvertement, tout à fait normalement, sans être minimalisés. Au début, il est assez déroutant de constater que la "vraie" Flandre ne correspond pas à ce que les hommes politiques flamands voudraient nous faire croire au travers des médias francophones.

Alors, au terme de cette expérience, la question qui se pose est de savoir si, un jour, je retraverserai le couloir du boulevard Reyers 52, pour retourner du côté obscur de l'information. A votre avis ?

Daniel Meyer.

mercredi 16 mai 2012

Les mercredis sans pub ?

Ce lundi 14 mai a été auditionné le Conseil de la Jeunesse au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre de l'élaboration du prochain Contrat de Gestion de la RTBF.

Etant donné que RTBF89 ne sera pas auditionné (malgré sa demande), nous nous sommes associés au Conseil de la Jeunesse concernant une proposition concrète que nous souhaiterions voir mise en application.
Ceci ne sera pas notre unique recommandation mais en sera une des plus importantes pour remettre sur la table des négociations la question de la présence publicitaire à la RTBF.

Voici ce texte de proposition:

« Les mercredis sans pub à la RTBF ? »

Etant donné :

- la pression publicitaire de plus en plus forte et insupportable constatée sur les ondes du service public par nombre d'auditeurs et de téléspectateurs ces dernières années;
- les récents propos tenus par Jean-Paul Philippot, Administrateur-Général de la RTBF, annonçant "qu'il n'est pas sain d'asseoir la croissance des moyens de la RTBF sur le pilier de la publicité" (La Libre, 13 mars 2012);
- la tendance de la pression publicitaire à influencer le contenu et les horaires des programmes;
- l'influence néfaste de la publicité sur la jeunesse, en particulier en ce qui concerne l'alimentation et l'hygiène de vie;
- la volonté de la Fédération Wallonie-Bruxelles de promouvoir des politiques de santé, en opposition complète avec les publicités pour certains types de produits dits de "malbouffe";

RTBF89 et le Conseil de la Jeunesse demandent que soit mis en place une journée par semaine "sans pub, ni sponsoring" sur les ondes radios et les chaines de télévision de la RTBF.

Cette journée serait idéalement le mercredi, pour les motifs suivants :

- en télévision, c'est la journée habituellement consacrée aux magazines d'information et de société: ces émissions gagneraient grandement à se libérer de la pression publicitaire qui influencerait leur forme et leur contenu;
- ce jour constituerait un "bol d'oxygène" et de tranquillité au milieu de la semaine, en particulier en radio où les auditeurs ont pu constater lors de rares précédentes journées sans publicité une manière totalement différente d'apprécier la radio sans interruptions bruyantes et envahissantes propres à la pub radio (bien plus intrusive qu'en télé);
- c'est une journée potentiellement suivie par la jeunesse, cible à préserver prioritairement des méfaits de la publicité;
- ce jour, enfin, constituerait un laboratoire afin de stimuler une réflexion sur la publicité et notre société de consommation par l'entremise de programmes d'éducation aux médias qui pourraient prendre la place laissée vacante par la pub.
Ces programmes pourraient aborder la thématique des multiples formes de publicités et des pratiques parfois insidieuses de celles-ci (notamment sur les nouveaux médias, sur le placement de produit, etc.).

Conscients du manque à gagner que constituerait une journée sans revenus publicitaires un jour par semaine, et sachant que la RTBF est l'un des médias publics européens (de taille et de marché comparables) les plus faiblement dotés par des sources publiques, nous demandons que la subvention publique soit proportionnellement revue à la hausse et que le nouveau contrat de gestion mette en place des mesures prévoyant d'en limiter les dépenses lorsque que celles-ci sont utilisées pour financer des activités qui n'ont pas (ou peu) de vocation de "service public".

Le financement des programmes d'éducation aux médias pourrait être partiellement soutenu par la Loterie Nationale, sous certaines conditions strictes.

Nous demandons enfin que soient envisagées des pistes de financement alternatives non reprises dans l'étude Deloitte*; entre autres l'idée que les dépenses publicitaires des sociétés ne fassent plus l'objet d'une exonération fiscale à 100% mais soient légèrement taxées pour compenser une diminution des recettes publicitaires des médias de service public.

A ce stade, les cosignataires ayant déjà répondu à notre appel sont : Conseil de la Jeunesse - RTBF 89 - Asbl Coala - la Fédération InforJeunes Wallonie-Bruxelles - la Fédération des Jeunesses Musicales Wallonie-Bruxelles - le Centre de Jeunes et de la Culture de Rochefort - DEI Belgique (Défense des Enfants International) - La Fédération Nationale des Patros - Jeunes Cdh – EcoloJ – Le Projet Coup2Pouce -
L’association Loupiote - Empreintes Asbl - ACMJ (Action Ciné Média Jeunes) - Le Conseil de la Jeunesse Catholique (CJC) – Jeunes CSC – La CODE (Coordination des ONG pour les droits de l’enfant) - l’UNECOF – Univers Santé – Consoloisirs.be.

http://www.conseildelajeunesse.be/Les-mercredis-sans-pub,394

* Etude de Deloitte relative au « financement de la RTBF et à la recherche de financements
alternatifs à la publicité et au sponsoring sans affaiblir l’offre de service public et en
garantissant la stabilité et la pérennité du financement de cet opérateur »
Pour continuer la réflexion et mener le débat, une table-ronde aura lieu dans la foulée le vendredi 25 mai à 15h à la Communauté française (Salle Henry Ingberg – Boulevard Léopold II, 44 à 1080 Molenbeek-Saint-Jean), pour débattre de cette proposition, évènement ouvert à tous !