samedi 26 février 2011

Comment la pub va tuer le capitalisme, Parole d'expert !




Dans l'émission Le Grand Huit, animée par Pascal Claude, George Warnet, professeur à l'ULB, signait ce samedi un excellent billet dans la rubrique « Parole d'expert » :


Comment la pub va tuer le capitalisme


Le capitalisme vise à faire fructifier un capital en le plaçant judicieusement. L’économie de marché l’instrumentalise dans le but d’accroître ce capital. Cette économie de marché présuppose un environnement où la concurrence est développée, la compétition devenant une "destruction créatrice" comme l’a proposé Joseph Schumpeter.

La publicité fait partie du processus de compétition. Pour Friedrich Hayek, autre économiste autrichien influent : "La publicité joue un rôle essentiel. Elle permet aux entrepreneurs de signaler aux consommateurs l’existence de nouveaux produits et de les informer des différences de prix et de qualité."
La publicité se veut donc un moyen d’information nécessaire au fonctionnement de la concurrence, car elle présuppose que le consommateur est un être rationnel. Mais cette approche théorique reste-t-elle d’application aujourd’hui ? N’est-il pas interpellant que beaucoup d’utilisateurs continuent à acheter des produits de Microsoft, alors que beaucoup d’entre eux savent que Linux est équivalent sinon supérieur à Windows, qu’il a l’avantage d’être un système ouvert et, mieux encore, gratuit ?

L’on peut trouver de nombreux autres exemples où la publicité impose un choix qui est loin d’être optimal, par un matraquage systématique d’une audience de plus en plus passive et de plus en plus nombreuse. Comme l’avait très bien dit Patrick Le Lay, patron de TF1 en 2004, "il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages" (1). Ceci a pour conséquence directe une course à l’audience pour l’audience et une valorisation de cette dernière de manière tout à fait excessive.

En effet, qui crée ou développe de l’audience devient une star, rémunérée dans des proportions, vis-à-vis de "Monsieur Tout-le-monde", inimaginables il y a encore un quart de siècle. Cette starification a envahi toute la société : du monde du spectacle à celui du sport et dans le business; un C.E.O. américain qui, en 1977, avait une rémunération qui équivalait à environ 50 fois celle d’un travailleur est passée 30 ans plus tard à un ratio de 1 100 !

Que le capitalisme repose sur des inégalités fait partie du jeu. Mais jusqu’où celui-ci peut-il continuer ? En d’autres termes, quel niveau d’inégalités est tolérable pour nos sociétés ? La publicité ne fait qu’encourager cette dérive. Va-t-on voir dans nos pays développés des réactions semblables à celles que nous vivons aujourd’hui dans le monde arabe ? Probablement pas demain, mais quand ?
Georges Wanet
Professeur à l’ULB
Nul n'a la réponse à cette question, mais ce qui est sûr, c'est qu'à ce rythme, la publicité tuera d'abord le service public...

jeudi 24 février 2011

Personne ne regarde la Trois ...

Etonnant ? Comparez le battage médiatique (couverture "bondage", 6 pages dans Télé-moustique + rappels radio) fait pour une émission "Questions à la Une" (voir article ci-dessous) et encart minuscule, sans info, sans photo pour une journée de programmes sur la Trois.
Regarderez-vous "Les Belges et leurs fantasmes" sur la Une ... ou "Raymond" (càd ?) sur la Trois ?
Quand il aura été prouvé que les chiffres d'audience de la Trois sont catastrophiques, ne pourra-t-on pas tirer la conclusion suivante ?
Dans les conditions budgétaires actuelles, les programmes demandés par des publics minoritaires (amateurs de culture, d'histoire, de V.O., enfants, malentendants, ...) ciblés par la Trois ne font décidément pas recette et peuvent (DOIVENT) donc être supprimés ... Sorry.
Il nous restera des fantasmes de service public.

Les Fantasmes de la RTBF


L’émission Question à la Une s’est penchée sur nos fantasmes. Deux reportages de Christophe Reyners étaient diffusés ce mercredi, des reportages qui ne se voulaient ni moralisateurs, ni voyeurs. Mais rien n’est moins sûr.


En ce qui concerne la morale, l‘émission pointe du doigt les puritains et les moralisateurs qui seraient les seuls à être choqués par les fantasmes les plus extrêmes. Il ne faut donc surtout pas juger ceux qui décident de réaliser leurs fantasmes. J’y vois un problème. Je suis d’accord pour ne pas juger les sadomasochistes ou les adeptes du nursing (ceux qui aiment les langes et les tétines). Mais alors, qu’on ne juge pas les gens que cela choque. Si on peut accepter que quelqu’un aime se faire fouetter, on peut accepter que des gens ne l’apprécient pas, voire ne le comprennent pas. De même, le réalisateur ne montre pas de zoophile, scatophile ou urophile. Ces fantasmes iraient trop loin. Donc, il y a de bons et de mauvais fantasmes. Bravo pour la femme qui veut faire des strip-tease à son mari mais honte à la femme qui veut uriner sur le sien ? Je crois que quand on traite un sujet comme celui des fantasmes, surtout quand on se présente comme étant "sans tabous", il faudrait plus de prudence.


Pour ce qui est du voyeurisme, impossible de ne pas jouer dessus quand on traite un sujet pareil. Cet effet voyeuriste est d’ailleurs plus qu’encouragé par les annonces publicitaires diffusées une semaine avant l’émission et par un partenariat avec le magazine Télémoustique, qui a mené une grande enquête sur les fantasmes des Belges. Et d’après un des responsables de l’enquête qui s’exprimait dans l’émission, les fantasmes avoués par les Belges seraient « décevants ». De nouveau, on sent derrière l’idée de bons et de mauvais fantasmes. Donc, madame, si vous rêvez d’un lit rempli de roses rouges, sachez que vous êtes dépassée, « décevante ». Avouer des tendances libertines lesbiennes est bien plus vendeur !


Enfin, les reportages avaient l’ambition de montrer que des gens "normaux" peuvent avoir des fantasmes extrêmes (assez étrange comme ambition, comme s'il fallait nous rassurer d'avoir des fantasmes). C’est raté. La maîtresse sadomaso a connu des violences familiales et a vécu un inceste. Un autre a perdu sa mère à 5 ans et se masturbe quand on le punit, et ce depuis l’enfance. C'est loin d'être le parcours de tout un chacun.


Je ne m’attarderais pas sur les gémissements kitsch en guise de fond sonore. Je me permets juste de remarquer que de parler de femmes fontaines à 20h20 avec un sigle -12 ans peut semble étrange. Si ce documentaire avait dû passer sur Arte, il serait passé bien plus tard. La RTBF diffuse la série de quatre documentaires « Sex in the world » à 23h et avec un sigle -16 ans. Pourtant, on y trouve les mêmes images de tortures sadomasos, les mêmes images de clubs libertins, voire même avec des images floutées ou plus soft.

Bref, je vous conseillerais plutôt la série « Sex in the world » si vous voulez vous renseigner sur les fantasmes et leur évolution dans le monde moderne. La réalisatrice aborde tous les sujets, sans tabous (on y a vu des gens s’adonnant à leurs envies urophiles ou scatophiles) et surtout sans la campagne de publicité dont a bénéficié le Question à la Une sur les fantasmes. En plus, le traitement d’un sujet comme le sexe par une femme journaliste change vraiment la perspective. A voir !
Encore deux épisodes de prévu :
- Les recettes du plaisir : le 02 mars
- Le sexe autrement : le 09 mars

mercredi 16 février 2011

Dossier spécial : Insécurité, où quand la RTBF fait comme RTL et l’imite plutôt bien

Une émission spéciale sur l’insécurité à la RTBF, annoncée dans les médias et en direct… On ne pouvait rater ça ! Les doigts fébriles sur le clavier devant le poste cathodique, avec ce sentiment coupable de participer à l’audimat de l’émission uniquement pour la critiquer, on attend les dérapages inhérents au sujet.

Pourtant, d’entrée, les propos sont sérieux et aborde la complexité du débat en évitant de tomber dans une démagogie pure. Seul véritable couac : les séquences « émotions» des témoignages des proches de victimes, où l’on remarque toujours un plan qui s’attarde uniquement pour espérer voir quelqu’un pleurer ou la fameuse « caméra oblique », utilisée pour créer un sentiment d’instabilité. Tout n’est pas parfait, mais on peut féliciter le ou la responsable du choix des invités et la modération de François de Brigode.

Un élément me semble cependant très douteux : l’usage de l’avis des téléspectateurs. Des SMS défilant en bas de l’écran, dans un français en déclin (un policier écrit : zone de nom droit, sic) et une Carole en régie pour lire sa sélection personnelle de courriels envoyés pendant l’émission. Ou comment choisir une potiche (malheureusement, c’était bien son rôle), qui choisit ce qui est pertinent ou pas, et qui se laisse doucement appeler par son prénom par le présentateur (mais on l’apprécie tout de même, notre cher François). Si l’on évite le discours classique de l’extrême-droite parmi les invités en plateau, pourquoi le retrouver dans les témoignages fournis en direct ?

La RTBF a réussi à démontrer que la problématique de l’insécurité est complexe et demande un investissement important au niveau local et social. Une conclusion trop à gauche selon certains, malgré le plateau fournissant un large choix d’avis différents… Néanmoins, pour nous prouver que la RTBF ne veut vraiment pas faire de la démagogie, il ne nous reste plus qu’à attendre le sujet du prochain dossier spécial !

mardi 15 février 2011

l'affaire Marie-Rose Morel: une erreur journalistique?

 
C'est un véritable séisme qui s'est emparé de la blogosphère belge ce week-end: les internautes flamands, suivis par les médias, ont vivement réagi au reportage du JT de la RTBF du 12 février dernier. 
Celui-ci commentait l'enterrement de Marie-Rose Morel,ancienne figure de proue du Vlaams Belang, et célèbre en Flandres pour avoir médiatisé sa lutte contre le cancer.


Au-delà des très vives réactions flamandes, la question à poser est de savoir si le reportage d’Alexandre Mitea et Michel Boulogne était un bon travail journalistique?

A l'analyse, on constate plusieurs éléments:
1) Il n'y a pas eu un, mais deux reportages sur l'enterrement de M-R. Morel: un au JT de 13h, l'autre à 19h30. Et ils ne sont pas identiques. 

Le premier est extrêmement violent. Extrait: 
"Marie-Rose Morel était une xénophobe pure et dure, anti-immigration et anti-francophone. Mais aujourd’hui à Anvers tout cela semble oublié, ou accepté" 
Dans le second reportage, le ton s'adoucit: 
"Marie-Rose Morel était une xénophobe pure et dure. Aujourd’hui à Anvers tout cela semblait oublié."
 2) La VRT a relevé dimanche soir dans son JT, plusieurs faits manquants dans le reportage de la RTBF:
-> Morel était fâchée avec les dirigeants de l'extrême droite flamande, qui n’était pas présents à la cérémonie.
-> Morel a couté des voix au Vlaams Belang, en faisant éclater les divisions du parti au grand jour.
-> Les gens amassés sur la place d’Anvers étaient principalement touchés par son combat contre le cancer.

Christian Dauriac, rédacteur en chef du JT de la RTBF, a réagi à ces critiques toujours sur la VRT:
"Comme vous le constatez, ça ne figurait pas dans le reportage, parce que je pense qu’un reportage est limité dans le temps et je pense qu’il vous arrive à vous aussi, dans un reportage, de constater que vous n’avez pas tout dit." 
"J’ai considéré que c’était un travail journalistique, équilibré, dont après la diffusion nous constatons qu’il a pu choquer une partie de l’opinion et je vous le dis, nous en sommes désolés, mais nous avons eu le sentiment d’avoir fait pleinement notre travail de journaliste. »
Voir le reportage de la VRT

Pourtant au final, on peut pointer plusieurs erreurs effectuées par ces journalistes:
-> la diffusion trop rapide du reportage, sans vérification préalable de leurs informations, au JT de 13h, alors que le sujet n'était pas forcément urgent pour le public francophone.
-> le manque de recoupement de sources de la part du journaliste, qui n'a pas cherché à interroger des flamands sur le sujet - on peut d'ailleurs se demander si les images du reportage proviennent bien d'équipes de la RTBF?
-> le manque de prise de distance par rapport à son sujet, dans lequel il ajoute des appréciations personnelles à plusieurs reprises. ("xénophone pure et dure", "tout naturellement", etc...)

A toutes ces erreurs, on peut trouver une cause: le manque de temps. Mais cela excuse-t-il pour autant le manque d'objectivité? Car vu le contexte, ce que l'on appelle déjà "l'affaire Marie-Rose Morel" risque bien d'avoir des conséquences durables sur les relations entre francophones et flamands...


vendredi 11 février 2011

La Première, de 7 à 77 ans et de l’aube à minuit…

Réaction à l'article du Soir : Bel RTL à son plus bas, la RTBF à son plus haut

Ne boudons pas notre plaisir d’auditeurs attachés à la radio de service public : lorsque les chiffres du CIM (Centre d’Information sur les Médias) ont été rendus publics hier matin, nous les avons accueillis avec d’autant plus de plaisir que, dans le même temps, ceux de BEL-RTL accusaient un net recul.

Ce n’est pas que l’on veuille se montrer désagréable vis-à-vis de cette station : après tout et en toute logique pour une chaîne commerciale qui tire ses recettes de la publicité, il paraît naturel que priorité soit donnée aux exigences des annonceurs et d’offrir en conséquence des programmes formatés, rassurants, dans le ton, et se souciant comme d’une guigne de développer l’esprit critique de ses clients-auditeurs.

Il était devenu, par contre, beaucoup plus discutable qu’une radio de service public s’aventurât sur ce même terrain, lorgnant sur "l’efficacité" (?) des chaines concurrentes, singeant les poses et les phrasés, les érigeant en modèles à suivre au nom de l’audimat.

C’est dire si ces chiffres arrivent à point nommé pour se débarrasser de cet encombrant modèle ! Les auditeurs qui s’expriment ici et là, sous les articles reprenant la nouvelle, font d’ailleurs très majoritairement bon accueil à cet info, y voyant le signe rassurant qu’il ne suffit pas d’être « tendance » pour être écouté et que les vents dominants du formatage et du prêt-à-écouter sont peut-être en train de faiblir. Nombreux sont ceux, d’ailleurs, qui appellent également de leurs vœux la réduction, sinon la suppression, des publicités, en des termes nettement moins choisis que ceux du présent article…

Dans l’excellent 90 Minutes d’Eddy Caekelberghs, Jean-Pierre Hautier, directeur de la Première, s’est évidemment réjoui de cette nouvelle : c’est bien naturel…
De cet exercice de communication, il ressort que tout le mérite de ces bons chiffres reviendrait aux changements opérés depuis la rentrée à la tranche matinale, «formidable», sur laquelle il ne tarit pas d’éloges, avec des nouveaux programmes comme... le Forum de Midi.

Il le sentait, il en avait « le feeling », c’était... « comment dire, une grille... euuuuh, vraiment intéressante!»

Et voilà comment Jean-Pierre Hautier, nous a non seulement livré une prestation radiophonique poussive, mais est passé, dans le même temps, totalement à côté de son rôle de patron de la Première venu féliciter l’ensemble d’une équipe, galvanisant ses troupes à la faveur de résultats positifs…
Au lieu de cela, il s’est contenté petitement d’endosser le costume d’animateur/superviseur de la «locomotive» matinale et celui de mari de la présentatrice du Forum de Midi, seule émission dont il ait été capable de citer le titre en dehors de Matin Première...
D’un point de vue personnel, on suppose qu'il en a tiré quelque (auto-)satisfaction, mais en terme d'image... quel désastre !


In extrémis, l’animateur a tout de même réussi à placer le « service public »…


Ce service public qui, il est bon de s’en souvenir, appartient à ses artisans et à ses auditeurs « de 7 à 77 ans », parfois même davantage, et qui se conçoit et s’écoute de l’aube jusqu’à minuit… et quelquefois même les week-end !


(interview vers la 18ème minute ou à partir de 1100/1300)

mercredi 9 février 2011

jeudi 3 février 2011

Combien tu m'aimes ?

Je ne résiste pas à l'envie de partager ce billet de "To be or not to pub" :
Le temps de l'exaltation de l'hétéro-patriarcat et de la sainte consommation va bientôt sonner à grands coups de pub. La St Valentin, fête du profit déguisée en fête de l'amour, terreau formidable pour des pubs encore plus abrutissantes que d'habitude, est l'occasion de rappeler que nous sommes des êtres humains avant d'être des consommateurs et des consommatrices et qu'on en a marre que toute cette pub envahisse la ville ( nos ondes ... !) et pollue notre imaginaire avec ses normes sexistes et consuméristes.
Plus d'infos sur indymedia


Reportage : Faites l'Amour, pas les magasins ! à Liège